Les principes fondamentaux du code du travail s’appliquent en effet aux agents publics (temps de travail, droit au reclassement, hygiène, sécurité et conditions de travail …). Par ailleurs, de nombreuses dispositions réglementaires, décrets ou arrêtés, sont prises en correspondance étroite avec le code du travail, comme le paiement des heures supplémentaires (à 25 % les 14 premières heures).
Cette loi, constituée de 130 pages de reculs sociaux, aurait des conséquences pour les fonctionnaires si elle s’appliquait, comme par exemple le paiement éventuel des heures supplémentaires à 10%.
L’accroissement de la durée journalière possible du travail (12 heures au lieu de 10 heures), le
fractionnement du repos entre deux amplitudes quotidiennes de travail, s’appliqueraient un jour ou l’autre aux administrations. Il en serait de même pour l’assouplissement des astreintes et du travail de nuit.
Pour la signature des accords, la Fonction Publique a le principe majoritaire à 50 %, alors que le privé a des accords à 30 % mais un droit d’opposition majoritaire.
La loi de réforme passe au principe majoritaire dans le privé, mais avec le droit pour les syndicats représentants 30 % d’organiser un référendum qui, s’il était majoritaire, validerait l’accord obligatoirement. Le gouvernement a déjà réussi à remettre en cause les accords de Bercy en refusant de ré-ouvrir la négociation PPCR, après le refus de la CGT de signer le
projet d’accord. Cette loi travail donnerait alors toute légitimité pour pervertir davantage les accords de Bercy.
Concernant la santé au travail et la médecine du travail, ce projet de loi régressif passe à la trappe le devoir d’adapter le travail à l’humain et fait passer d’un devoir de protection de tous(tes) les salarié(e)s à une gestion des postes à risques : au personnel médical d’adapter dorénavant les salarié(e)s aux contraintes du travail !
Les administrations et les services publics n’auront évidemment aucun régime particulier dans ce domaine, alors qu’ils sont particulièrement victimes de modes d’organisation qui aggravent très fortement les conditions de travail.
Aujourd’hui la hiérarchie des normes, même si elle est écornée (par exemple, par la loi du 31 mars 2005 sur le temps de travail), est claire : ordre public (droit international, communautaire et français), accords nationaux interprofessionnels, de branche puis d’entreprise, le principe de faveur faisant qu’aucune disposition de rang inférieur ne peut être moins favorable qu’une disposition de rang supérieur.
Les décrets et les arrêtés pour la Fonction Publique relèvent d’une adaptation de l’ordre public et des accords nationaux interprofessionnels, dans le respect du caractère dérogatoire au code du travail de la Fonction Publique. Ils forment aussi « l’équivalent d’un accord de branche » Fonction Publique, mais sans aucun caractère contractuel.
L’architecture fondant le code du travail est modifiée par le projet de loi. Les principes essentiels du code du travail sont censés le fonder, puis chaque grand chapitre du code est organisé :
- en dispositions d’ordre public ;
- en « champ de la négociation collective », l’accord d’entreprise pouvant déroger à
l’accord de branche, et les deux sortes d’accord pouvant déroger à l’ordre public,
renversant ainsi la hiérarchie des normes ; - en « dispositions supplétives », qui sont le minimum en l’absence d’accord, et qui ne
relèvent pas de l’ordre public. Il faudrait dans un premier temps déterminer sur quels
« principes essentiels du code du travail » porte la dérogation au code du travail du statut des
fonctionnaires. Sans talents de voyance, il est difficile d’en appréhender à l’heure actuelle une déclinaison ultérieure en textes réglementaires.
Parce qu’elle met en cause la hiérarchie des normes, cette réorganisation du code du travail crée les conditions d’une régression sociale généralisée au sein des branches du secteur privé.
Croire qu’un tel recul dans le secteur privé serait sans conséquences sur les conditions
de travail les plus concrètes des fonctionnaires, sur leur santé et sur leurs droits serait illusoire.
En effet, depuis une trentaine d’années, la Fonction Publique vit sous l’influence de l’idéologie néolibérale du New Public Management (NPM). L’idée principale de cette Nouvelle Gestion Publique (NGP) est que « les méthodes de management du secteur privé, supérieures à celles du secteur public, doivent lui être transposées » .
Souvenons-nous. Dix ans après l’instauration de la retraite à 60 ans, la réforme Balladur de 1993 avait allongé la durée de cotisation pour les retraites du privé (passage de 37,5 à 40 annuités). En 2003, la réforme Fillon a aligné la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle du privé. En 2010 et 2013, le taux de cotisation des fonctionnaires sera progressivement aligné jusqu’en 2020 sur celui du privé. D’ailleurs, ce 1er janvier 2016, les fonctionnaires
ont bien subi une nouvelle augmentation de 0,40 % de leur cotisation retraite.